Vous cherchez
un logement ?
Vous cherchez
un logement ?

Entretien avec Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, Prix Pritzker 2021

13 octobre 2023

On connaît votre attachement à ne pas démolir et à puiser au maximum dans l’existant… Pour vous, en quoi ce projet du Pavillon Raspail incarne une façon presque contemporaine de penser la ville d’aujourd’hui ?

Jean-Philippe Vassal : Il y a une profonde transformation de la manière de percevoir la ville. Aujourd’hui, on est forcément dans la ville existante avec toutes ses qualités, ses problèmes, ses défauts, ses complexités. Il y a la nécessité absolue d’être au plus près des choses, au plus près des gens, au plus près des bâtiments.

Anne Lacaton : Il faut être attentif à tout, avoir en permanence les yeux ouverts pour saisir les besoins des gens, mais aussi pour identifier ce que proposent les lieux comme richesses, comme ressources ou opportunités, pour ne pas passer à côté.

J-P. V. : le projet de Saint-Vincent-de-Paul c’est la possibilité de travailler à partir d’un bâtiment qui est déjà là, qu’on a regardé, étudié, dont on a analysé au mieux ses caractéristiques pour voir comment on pouvait aller plus loin pour proposer les meilleurs logements. Cette démarche relie l’histoire, le présent et le futur. En raccrochant ce qui a existé avec ce qui est nouveau, on attache plus de richesses, de souvenirs et d’émotions. C’est de cette manière qu’il faut considérer la ville aujourd’hui.

Quels sont les éléments qui ont guidé votre action dans la conception de ce projet ?

A.L. : Notre projet comprend ce que l’on met en place dans tous les projets depuis des années. La qualité d’habiter, qui est une priorité lorsqu’on réfléchit à la conception des logements et à l’espace qu’il faut pour habiter : plus d’espaces, de la générosité pour permettre une liberté d’usages. C’est essentiel. Ensuite la relation à l’environnement, notamment au climat, dans une démarche qui cherche à s’échapper de l’uniformité du normatif au profit du bon sens et qui recherche l’échange avec le climat plutôt que se fermer ou s’isoler. Enfin, la question du faire avec. Notre relation avec l’existant n’est pas du tout fondée sur un sentiment de contraintes, mais au contraire, c’est une relation d’optimisme parce que l’on trouve toujours du positif dans ce qui est déjà là. Nous ne cherchons jamais les défauts en premier, mais plutôt ce qui est bien, ce qui est beau, ce que l’on veut prendre avec nous et qui constitue la base du projet.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples sur la qualité d’habiter ?

 J-P. V. : Ce qui est très intéressant ici, c’est qu’il s’agit d’une maternité qui se transforme en logements. Donc on sort complètement du standard : les plafonds sont trop hauts, les fenêtres sont trop grandes… Nous souhaitons trouver des espaces de qualité dans le non-standard. Cet ancien bâtiment répond à cette ambition en proposant des caractéristiques qui lui sont propres.

A.L. : Cette maternité a des qualités architecturales évidentes. L’architecte à l’époque avait fait de grandes fenêtres pour que les femmes soient bien dans les chambres, pour apporter beaucoup de lumière, de la vue. Ce sont des qualités essentielles qui demeurent totalement valables quel que soit l’usage, et encore plus dans la transformation en logements. C’est une grande opportunité pour le nouveau projet. Dans l’approche de l’existant, la question est toujours pour nous de ne jamais rien perdre. Concernant l’extension, le bâtiment va être surélevé pour qu’une architecture contemporaine puisse se déployer… Avez-vous rencontré des contraintes particulières ?

J-P. V. : Déjà, il y a le besoin d’un bâtiment en surélévation qui soit léger ; léger pour des raisons structurelles, pour faire en sorte d’éviter de porter sur le bâtiment existant des charges supplémentaires trop importantes. Mais aussi léger en termes d’architecture. Ce qui nous a toujours attirés en architecture, c’est cette idée de liberté ; les espaces doivent donner de la liberté ; ils doivent ouvrir sur le ciel et offrir le plus de possibilités possible.

A.L. : Cette liberté se trouve aussi dans des espaces beaucoup plus grands. C’est ce que nous recherchons en permanence dans les projets : dilater l’espace pour habiter. Exploiter au maximum l’opportunité de construire ou celle d’un existant, utiliser aussi le moins de matériaux possible pour produire plus de volume.

Vous avez été particulièrement attentifs aux questions de réemploi dans l’opération. Comment cet enjeu s’est-il traduit dans la conception du projet ?

A.L. : Déjà, ne pas démolir, c’est le réemploi maximum. Quand on commence à démolir, il y a toujours le risque de ne pas s’arrêter. Commencer c’est mettre le doigt dans un engrenage où l’on peut finalement justifier d’aller jusqu’au bout et de tout casser. Peut-être que c’est une forme de radicalité, mais en tout cas, pour nous, c’est assez sain de poser comme principe que nous ne démolissons rien.

J-P. V. : Beaucoup de bâtiments sont encore en très bon état, il y a donc la possibilité d’en prolonger la vie. Pour nous, les bâtiments sont vivants.

Pour aller plus loin

Voir tous nos articles